TEMPLE TI-BAZAR : UN FIDÈLE INTERDIT AU TEMPLE ?

L'affaire risque forcément de faire grand bruit dans notre île car ce n’est pas tous les jours que le président d’une association religieuse interdit un fidèle la pratique de son culte dans un lieu éponyme, qui plus est, un lieu public.


C’est pourtant ce qui est arrivé au temple tamoul Siva Soupramanien de Petit-Bazar à Saint-André où le président de l’association du même nom ainsi que son conseil d’administration ont pris récemment la décision d’interdire carrément l’accès du temple à une fidèle, laquelle fréquente ce kovil depuis près de 40 ans. Cette décision a été signifiée à la personne concernée, le 6 novembre dernier, par huissier.

Le président de l’association n’a pas fait les choses à moitié. Il a même annoncé qu’il saisira le procureur de la République et fera appel aux forces de l’ordre au cas où cette fidèle viendrait à braver l’interdiction. Rien que ça ! Quant à la fidèle, elle envisage prochainement d’interpeller la Ligue des Droits de l’Homme ainsi que le comité inter-religieux de La Réunion. Car elle n’a pas envie de « changer de religion » pour faire plaisir au président de l’association Siva Soupramanien de Saint-André.

Comment en est-on arrivé à une situation aussi extrême ? Réuni autour de la personne « exclue » la semaine dernière, les fidèles mécontents racontent : « fin octobre, lors du Kumbabishegam (inauguration) du temple Siva Soupramanien qui vient d’être rénové, la personne en question a cru bien faire en prenant son téléphone portable pour filmer durant quelques secondes une petite partie de la cérémonie en cours. Voyant un caméraman filmer la cérémonie ainsi que d’autres personnes, parmi lesquelles des prêtres et musiciens Indiens que l’association avaient venir, elle a machinalement fait pareil en pensant pouvoir en faire profiter à des amis pratiquants qui vivent en métropole. Car l’inauguration d’un temple reste un moment important pour les fidèles. C’est alors que cette personne a été verbalement et violemment interpellée par le président de l’association Siva Soupramanien devant tous les autres fidèles en lui disant sur un ton très condescendant : « vous êtes qui vous ? Redescendez de votre piédestal ! ». Nous sommes restés là, interloqués, choqués par une telle humiliation, une telle violence verbale, surtout venant de la part d’un Président d’association qui aurait dû donner l’exemple. A la fin de la cérémonie, la personne humiliée est allée le voir pour avoir des explications. Le président a dit qu’on a le droit de filmer mais à condition de lui demander son autorisation ».

Selon le groupe de fidèles mécontents de la réaction surprenante du président, « cette personne interpellée est pourtant une habituée du temple. Tous les ans et ce, depuis des lustres, elle décore bénévolement le temple lors du cavadee. Elle donne de son temps au temple. A la tête d’une association de danses tamoules, elle fait danser gratuitement ses élèves chaque année pour le temple… Franchement, nous ne comprenons pas du tout cet excès de zèle de la part du président de l’association ».

Claques et coup de poing dans la cour du temple

Le 28 octobre dernier, au lendemain du dernier jour du « Kumbabishegam », le frère et la mère de la personne humiliée publiquement, sont allés voir le président pour comprendre ce qui s’était passé. « C’est normal, c’est une famille qui fréquente ce temple depuis plusieurs décennies… Lors de la rencontre, il paraît que le président a commencé à crier sur la vieille maman présente. C’est alors que le frère, énervé, n’a pu supporté ça, il lui a balancé deux claques. Le président a rétorqué par un coup de poing. Mais d’autres personnes présentes dans la cour du temple sont intervenues en séparant les protagonistes ».

Le président a aussitôt déposé plainte. Et, après concertation avec les membres de son conseil d’administration, il a par voie d’huissier (Maîtres Jean-Luc Soler et Anne-Valérie Ebran) signifié à la fidèle humiliée son interdiction de mettre les pieds au temple du Petit-Bazar en s’appuyant notamment sur l’article 5 du statut de l’association. Or, selon le groupe de fidèles solidaires avec la personne humiliée, l’article 5 concerne « la perte de la qualité de membre ». La personne visée par l’interdiction, bien que fidèle parmi les fidèles du temple et bénévole, n’est pas membre de l’association. Ce qui rendrait de facto cette interdiction caduque. La lettre du président évoque des « injures, violences, diffamation » dont il aurait victime. Selon le groupe de fidèles présents ce jour là, « la personne humiliée, tellement choquée par l’intervention du président, n’a rien dit. Elle a été déconcertée et n’a prononcé aucun mot. Nous pensons que le président, faute de n’avoir pas pu s’en prendre au frère deux jours plus tard, se défoule aujourd’hui sur cette fidèle qui n’a rien fait si ce n’est que prendre un instant son téléphone portable pour immortaliser une partie de la cérémonie ».

Toujours selon le groupe de fidèles, « aucun des articles du statut de l’association n’autorise le président, ni les membres de son conseil d’administration à exclure un ou une fidèle du temple. Encore heureux, car nous ne sommes ni dans un polit bureau en Corée ou en Russie. Nous ne vivons pas dans un pays à régime dictatorial ». Le groupe de fidèles dénonce avec force « le comportement dictatorial » du président de l’association Siva Soupramanien ainsi que «sa « gestion autocratique » à la tête d’un conseil d’administration de 113 membres « dont 30 au moins sont issus de la famille de son épouse et 35 autres appartiennent à trois autres familles toutes proches du président parce que tout a été fait pour que ce dernier garde la main le plus longtemps possible sur la présidence et sur le CA » et « pour qu’il puisse faire ce qu’il veut, à sa guise en admettant aucune contradiction. Si quelqu’un ose lui dire quelque chose, la tête de la personne est aussitôt coupée ». Et le groupe de fidèle mécontents de préciser encore : « il a même exclu sa propre sœur du temple ».

Il va sans dire que le président montré du doigt ne manquera pas de réagir à toutes ces critiques. Notre espace de libre expression sur Freedom.fr lui sera évidemment ouvert.

Pour l’heure, en réponse à sa décision d’interdire l’accès du temple à la personne humiliée qui « n’a rien d’une terroriste », le groupe de fidèles vient de lui adresser une lettre ouverte que nous publions intégralement (Voir ci-dessous). Affaire à suivre d’autant que l’assemblée générale de l’association est prévue le 17 décembre prochain !

Lettre ouverte à Monsieur le Président de l’Association Siva Soupramanien…

 « Monsieur le Président, permettez nous de vous faire part de notre opinion quant à la gestion du temple de Saint-André. Cela fait actuellement trois ans que vous êtes à la tête de cette gestion et nous sommes stupéfaits de voir à quel point les choses ont changé.

D’abord, votre élection en 2014 nous a paru malhonnête. En effet vous avez été élu dans des conditions douteuses puisque encore inconnu avant votre élection, vous avez utilisé un de vos amis connu afin de recueillir le nombre de voix nécessaires à la victoire en le plaçant en tête de liste. Logiquement et légalement, ce dernier aurait dû alors être président. Mais sans comprendre, suite à vos diverses « manigances » en cachette, il a été évincé de cette position lors du conseil d’administration.

Aujourd’hui et après 3 années de mandat, la majorité des membres de l’association et des adhérents sont des amis à vous ou des membres de votre famille et de la famille des amis; Ces personnes composent le Conseil d’administration à la tête de l’Association qui est chargée de la gestion du Temple. L’élection du Conseil d’administration est quant à elle fermée puisque les membres y adhérant sont scrupuleusement choisis par le Conseil d’administration sans aucune motivation d’une part et d’autre part ces membres sont les seuls votant à l’élection. Vous avez volontairement tout verrouillé. Quatre familles détiennent au moins 60% des votes, l’équité est donc écartée au sein d’une association dont l’objet est de promouvoir la culture et le patrimoine tamouls mais surtout la pratique en commun de l’hindouisme, ce qui est assez déconcertant.

Mais ceci n’est pas le plus important et les choses seraient allées bon train si votre gestion en elle même n’était pas complètement abusive. En effet, telle une oligarchie, ce petit groupe ne se gêne pas pour exclure des fidèles du temple et proférer des menaces. La preuve en est, une proche du Président de l’association Siva Soupramanien a été menacée d’exclusion du temple et elle n’est pas la seule, puisqu’une fidèle du temple depuis 37 années a, elle aussi, fait récemment les frais de ce pouvoir sans limite, pour ne pas dire dictatorial. Non seulement elle a été exclue du temple de petit bazar mais également menacée par vous même d’être exclue de tous les temples de l’île. Comme si vous aviez vraiment un tel pouvoir ! Juridiquement et moralement, qui a le pouvoir d’empêcher un fidèle de faire ses prières et rites quotidiens dans un temple public ? Juridiquement, cela n’est pas possible, surtout s’il s’agit d’un temple public et moralement, à vous, chers lecteurs, d’en découdre.

Alors qu’un lieu de culte devrait être un lieu de sagesse, de bienveillance, de rencontres agréables et sereines, où chaque fidèle prie et partage dans la paix et dans l’amour, au temple de Petit-Bazar il est devenu commun d’exclure des fidèles selon les humeurs du président et du conseil d’administration. Bien entendu ce n’est pas le temple qui pose problème, celui-ci reste un lieu magnifique, un lieu où règne une profonde paix. Le problème, c’est que tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser et cela au détriment des autres. C’est le cas actuellement à l’association Siva Soupramanien.

Aujourd’hui, grâce à l’argent des fidèles, on a un très beau temple où chaque corréligionaire aimerait se recueillir en toute quiétude, mais cette entente est malheureusement menacée par un manque de savoir vivre manifeste de certaines personnes faisant parti de l’association. On insulte le prête (officiant) lui-même, on ne se réfère plus aux anciens et à leur sagesse. Rappelez-vous Monsieur le Président de la plaque commémorative de grandes cérémonies religieuses qu’avaient fait réalisé nos anciens présidents, elle a été tout simplement retirée, effacée du temple. Nous nous interrogeons là-dessus. Quelles ont été vos motivations?

De plus, que faites-vous des cotisations et dons des fidèles, cet argent qui alimente la trésorerie de l’association? Eh bien on va vous le dire Monsieur le Président. Il est utilisé à mauvais escient, par exemple pour payer l’huissier afin qu’il signifie des exclusions ou encore pour installer des caméras à l’intérieur même du sanctuaire alors que la loi stipule des installations dans la cour, aux abords, sur l’espace public. Pensez vous que cela soit vraiment nécessaire ? Pensez vous que nos chers fidèles aient besoin d’être filmés lorsqu’ils se recueillent intimement devant Dieu?

Au sein d’un temple, il est évident que tout comme les fidèles, le prête, les statues, les lieux de prière doivent être traités avec le plus grand respect, mais aujourd’hui Monsieur le Président beaucoup d’interdits inutiles empêchent les fidèles d’être en harmonie avec cet environnement spirituel. Vous estimez bon d’interdire certaines cérémonies aux femmes n’ayant pas leurs tâlis, mais nous vivons à la Réunion et ce n’est pas chose commune que de porter le tâlis pour les femmes mariées. L’essentiel n’est-il pas de venir avec un cœur et un esprit purs ? Le port de bermuda ou de débardeur est également interdit, sauf pour les parents de certains membres du Conseil d’administration. Pourquoi y’a-t-il deux poids, deux mesures ?

Dernièrement encore une jeune femme a fait l’objet de votre condescendance et arrogance (en créole on dit faire l’intéressant) : elle portait un pantalon jean et un haut de pandjabi, des vêtements tout à fait normaux pour se rendre au temple et pourtant elle a reçu un avertissement de votre part. Les vêtements ne sont pas les seuls objets d’interdits, vous interdisez maintenant le camphre alors que tant de fidèles en sont habitués.

Néanmoins, si ces interdits doivent s’appliquer, ne devraient-ils pas s’appliquer de la même façon à tout le monde pénétrant dans ce temple? Or, les règles ne semblent pas être les mêmes pour tous puisqu’au temple certaines personnes proches du Conseil d’administration ou parents transgressent les interdits sans aucune sanction, sans aucune remarque, sans aucune humiliation. D’autres se bagarrent sans être exclus et certains filment sans risque de se faire humiliés en public.

Dans un lieu de culte quel qu’il soit, aucune sorte de discrimination ne devrait sévir et ceci à l’encontre d’aucune origine. Un fidèle rapporte pourtant les propos du Président à l’égard d’un autre fidèle qui chantait avec tout son coeur : « lui il est bon à chanter à Mada ! ». Est-ce bien raisonnable ?

Pour nous, fidèles de ce temple depuis des décennies, l’important c’est le respect mutuel. Le Président d’une association gérant la pratique commune de l’hindouisme et donc le partage de cette culture bienveillante devrait être lui aussi rempli de sagesse et de bonté, afin attirer les fidèles et partager avec eux dans la joie et un esprit constructif.

Monsieur le Président ne pensez vous pas gérer le temple à la façon d’un roi ou d’un dictateur, prenez-vous les fidèles pour vos sujets et le temple pour votre royaume?

Ni les fêteurs, ni les musiciens et chanteurs habituels du temple ne trouvent grâce à vos yeux, puisque les premiers, vous souhaitez les remplacer par vos proches, et les second, vous les remplacer par, dites vous, meilleurs qu’eux lors des grandes cérémonies.

Ne devrait-il pas y avoir plus d’impartialité et de sagesse dans cette gestion? Partagez avec les fidèles, communiquez avec eux avec bienveillance, s’ils font des erreurs ne les blâmez pas mais essayez plutôt de leur exposer votre point de vue avec bonté. Ce n’est manifestement pas la posture que vous avez adoptée ».

(Un groupe de fidèles du temple Siva Soupramanien de Petit-Bazar à Saint-André)