À leurs côtés, il assiste à toutes les pratiques religieuses du voisinage, dont les cultes de Vishnou. Par contre, son père est non végétarien et shivaïste, et pratique la guérison des malades et l'exorcisme. Il hérite donc de ces deux niveaux de connaissances, qu'il devra et saura concilier. Jean Benoist, qui l'a bien connu, dresse le portrait du "pousari" dans un essai anthropologique sur les "sociétés créoles" : "sa stature, sa démarche, son visage expriment la noblesse et l'autorité. (...) il suit depuis son enfance les diverses activités religieuses tamoules de la Réunion, et depuis plus de cinquante ans il en est l'un des pratiquants les plus réguliers puis l'un des leaders.
Pour beaucoup de Créoles des quartiers avoisinants, il est un "devineur" souvent dangereux, mais aux yeux de la plupart des Indiens de classe populaire il est un prêtre compétent, capable de mener toutes les activités qu'on attend d'un prêtre, conduire la marche sur le feu, diriger les cérémonies des chapelles indiennes lors des grandes fêtes de Kali et de Mariamman, assurer les services des morts "karma di", les mariages, les horoscopes. Et surtout, d'intervenir lorsqu'un individu est malade ou lorsqu'il a de graves ennuis. Sa réputation s'étend à pratiquement toute l'île. Elle "traverse les barrières entre les groupes ethniques et les classes sociales." En effet, "Grand-Manicon" officie dans le temple de Vishnou, lit des textes de l'hindouisme classique, pratique les cultes populaires, intervient auprès des malades. Depuis l'âge de 8 ans et durant plus de six décennies, il aura travaillait sur la plantation, d'abord comme coupeur de canne, puis comme commandeur, un poste qui devait lui donner une réputation de dur. Il était aussi craint.
Dès l'âge de 18 ans, il effectue chaque année au moins une marche sur le feu. Grâce à sa connaissance de leur langue, il fréquente les derniers "pousari" venus parmi les engagés indiens, qui lui transmettent leurs connaissances pratiques sur la religion. Jean Benoist dira qu'"il est certainement l'un des rares authentiques représentants à la Réunion de la religion hindoue telle qu'elle est pratiquée dans les villages Sud-indiens." Il se rend pour la première fois au Tamil-Nadu alors qu'il est déjà âgé de 74 ans et effectue un pèlerinage dans les principaux temples et ne se sent pas du tout étranger au milieu des natifs. Depuis sa disparition, il y a déjà plus de deux décennies, "Grand-Manicon" est une référence pour tous ceux qui apprit les rites tamouls auprès de lui.