L’immigration indienne vers le "pays Bilbo" des Gujaratis ou le "Birboon Desh" des Tamouls est attestée depuis le XVIIe siècle. À la même époque, d’ailleurs, les coolies arrachés à leurs campagnes et faubourgs et séduits par les "mestrys" et autres recruteurs aux mensonges pleins d’attrayantes promesses d’or et de vie facile pour aller travailler sous la coupe de colons (colonisateurs) européens, débarquent par milliers dans l’île soeur, en Afrique du Sud ou en Australie, aux Antilles. À la Réunion, ces Indiens viennent remplacer les esclaves qui ont recouvré leur liberté en 1848. Vingt ans plus tôt, d’autres engagés indiens sont venus, surtout du "pays malbar", pour le travail de pioche... comme les esclaves. Bien avant eux, dès le début du peuplement de l’île, l’empreinte indienne est présente : après la quinzaine d’Indiennes de Goa et Daman rafflées pour servir d’épouses aux premiers colons français, au début du peuplement de l’île, sont venus souvent comme esclaves d’autres travailleurs du Kerala, des comptoirs français et anglais de Pondichéry, Karikal, Madras, de la côte de Coromandel, etc. Plus tard, sont venus les futurs "z’arabes" chassés par les famines du Gujarat ou attirés par la perspective de faire fortune. Tous peuples naguère sans cesse brimés, mais qui par leur foi sont parvenus à affirmer leur identité.
L’Inde ancestrale des "pousari"
La Réunion est le seul endroit au monde où il y a eu cette cohabitation d’Indiens, qui, dans l’adversité, se sont solidarisés et ont échangé au lieu de se confronter. D’où le transfert de certains de leurs rites, qui en ont influencé d’autres... Plus près de nous, descendants de ceux venus du Tamil-Nadu, le "pays malbar", leurs coreligionnaires les dénommaient "Tonton Canou Carosse", "Ti-Francis" ou encore "Grand-Manicon". C’était dans la région de Saint-Paul. Ils y étaient connus et renommés en tant que "pousari", jusque dans les années 1970. Considérés comme passeurs d’une époque révolue, grâce à qui les malbars de générations récentes pouvaient encore ressentir une certaine proximité avec l’Inde ancestrale, ces "pousari" détenaient leur savoir, foi et rites, de leurs parents, qui eux-mêmes le détenaient de... Leur grande préoccupation, c’était de perpétuer fidèlement l’héritage de leurs ancêtres émigrés plus d’un siècle auparavant (à savoir, une culture indienne profondément spiritualiste). Des ancêtres esclaves ou engagés qui ont gravé leurs témoignages dans l’histoire de l’île où ils ont un jour débarqué pour souvent ne plus pouvoir en repartir. De nos jours, leurs descendants disposent d’une littérature orale transmise principalement par leurs pratiques cultuelles. Elle constitue un patrimoine culturel et linguistique témoin de l’histoire interne de ces originaires du "pays malbar" à l’extérieur de leur "mother India". Cette culture tamoule se perpétue. Ainsi, la langue, par le biais de la tradition orale, au moment des cultes, à travers des chants rituels et autres bal tamoul. Bref, les immigrants du Tamil-Nadu ont peu à peu forgé une expression littéraire conforme à leurs conditions de vie constamment réadaptée. Leur tradition littéraire est devenue tradition orale. Leur travail était rude. Ils puisaient dans leur foi les forces nécessaires pour faire face au fouet des commandeurs. Leur culte était sous contrôle, tout juste toléré, parfois seulement. Même si la pratique religieuse hindouiste était négociée dans les contrats d’engagement. Ils ont néanmoins réussi à les transmettre, — question de foi, justement ! Les traditions de la malbarité tirent leur origine dans l’apport de ces migrants. Et leurs métamorphoses, dont la langue maternelle était le tamoul, au contact des apports d’autres composantes de la société créole réunionnaise. Il faut de plus savoir que ces migrants étaient déjà issus d’aires géographiques et aussi linguistiques variées et que le créole s’est dès lors imposé comme vecteur linguistique, langue créole qu’ils ont influencée, notamment aux points de vue vocabulaire et syntaxe. Et ce, dès leur débarquement sur le sol de l’île pour le lazaret ! Aujourd’hui, le tamoul reste confiné au sacré et perdure grâce aux rituels transmis par les "pousari". Néanmoins, même dans le contexte de la religion, cet usage se perd, au profit du sanskrit, au point où sa disparition semble annoncée. Heureusement, des fils tentent de réconcilier leurs compatriotes avec les littératures orales et écrites autrefois usitées dans les “koïlou". Notre témoin Sully Santa Govindin est ainsi l’auteur de travaux autour des réalités culturelles et historiques réunionnaises, qui ont trait à ses compatriotes originaires du "pays malbar", d’où sa notion de "malbarité", un concept qu’il emploie pour évoquer ses racines et traditions, qu’il considère comme une réalité contemporaine qui évolue et joue un rôle créatif dans la culture réunionnaise.
La vision de l’avenir malbar
Sully Santa Govindin, qui oeuvre pour la confrontation des idées et le revendique et pour qui les malbars doivent avoir une vision de leur avenir lointain et pouvoir continuer de se mêler à la culture réunionnaise, vient de publier un ouvrage élaboré durant dix ans ("Son oeuvre est marquée par la patience et l’acceptation de remettre en cause son manuscrit pour trouver une relative perfection", dit son éditeur), en s’appuyant sur l’enseignement reçu et en revisitant l’héritage reçu. Le titre "Grand-Manicon et autres textes" qu’il a adopté montre un regard excentré par rapport à la Réunion sur le monde indien, les liens entre les engagés indiens et la Réunion, leur héritage des villages de leurs ancêtres et la société actuelle. "Grand-Manicon et autres textes" offre un aperçu de la littérature des mondes indiens. Un florilège qui comprend une douzaine de textes en édition bilingue (la traduction en français constituant une originalité nouvelle), qui montre l’importance donnée aux langues indiennes (indo-aryen à travers le sanskrit, l’hindi, le dravidien, le tamoul médiéval tardif et le tamoul contemporain), et privilégie plusieurs modes d’expression. Le profusion du champ littéraire s’articule dans cette anthologie thématique autour de trois paires de thèmes : sacré et profane, hiérarchies et tensions, fiction et humanisme. Parlant du contexte historique du peuplement réunionnais, Sully Santa Govindin se souvient de la confrontation entre deux courants d’hindouisme : l’orthodoxie brahmane et la religion populaire véhiculée par les travailleurs indiens. Ce "ralé-poussé" a retenu l’attention d’un journaliste tamoul qui effectuait un périple dans les Mascareignes au début des années 1970 : il a rencontré "Grand-Manicon" et sa relation est parue en 1974 dans une revue tamoule bien connue. Le texte "Grand-Manicon" de Govindin est une sélection de la partie de l’article ayant trait au "pousari". Il résume : la société réunionnaise appartient à un type de société dite créole, issue d’une colonie dépendante d’une métropole européenne qui a déplacé pour les besoins d’une économie insulaire en péril une main d’oeuvre asiatique dont indienne originaire du "pays malbar". Ces migrants indiens, esclaves puis engagés, des "Malbars", sont arrivés dans l’île avec leur histoire, leur culture, leur langue qui a influencé et aussi subi des influences. Aujourd’hui, leurs descendants assument leur fusion indo-indien et indo-créole, leur malbarité voire leur réunionnité. La visée du livre de Sully Santa Govindin est de dire qu’il ne faut pas être extrémiste, que l’usage du sanskrit n’est pas confiné aux mantras et récits et chants sacrés, n’est pas figé, mais une ouverture, et que la littérature est là pour libérer les esprits. Certes, il contient de l’idéologie, mais au sens noble. Il renferme surtout une bibliographie très utile, avec nombreuses références avisées, inédites souvent, bien agencée, dont un recensement inédit de textes sur le bal tamoul. En fait, un outil pédagogique, avec un index intéressant, une chronologie littéraire qui resitue le contexte historique.
Un “pousari” plein d’autorité
Pierre Mounichy dit "Grand-Manicon" naît sur une grande plantation saint-pauloise, où trimaient ses parents, dans une case proche de l’usine. Ce sont ses grands-parents maternels, végétariens et vishnouistes émigrés d’Inde qui l’élevent et apprennent à parler, lire et écrire le tamoul. À leurs côtés, il assiste à toutes les pratiques religieuses du voisinage, dont les cultes de Vishnou. Par contre, son père est non végétarien et shivaïste, et pratique la guérison des malades et l’exorcisme. Il hérite donc de ces deux niveaux de connaissances, qu’il devra — et saura — concilier. Jean Benoist, qui l’a bien connu, dresse le portrait du "pousari" dans un essai anthropologique sur les "sociétés créoles" : "Sa stature, sa démarche, son visage expriment la noblesse et l’autorité. (...) il suit depuis son enfance les diverses activités religieuses tamoules de la Réunion, et depuis plus de cinquante ans il en est l’un des pratiquants les plus réguliers puis l’un des leaders. Pour beaucoup de Créoles des quartiers avoisinants, il est un ’devineur’ souvent dangereux, mais aux yeux de la plupart des Indiens de classe populaire il est un prêtre compétent, capable de mener toutes les activités qu’on attend d’un prêtre, conduire la marche sur le feu, diriger les cérémonies des chapelles indiennes lors des grandes fêtes de Karli et de Marliémin, assurer les services des morts "karmadi", les mariages, les horoscopes. Et surtout, d’intervenir lorsqu’un individu est malade ou lorsqu’il a de graves ennuis. Sa réputation s’étend à pratiquement toute l’île. Elle "traverse les barrières entre les groupes ethniques et les classes sociales." En effet, "Grand-Manicon" officie dans le temple de Vishnou, lit des textes de l’hindouisme classique, pratique les cultes populaires, intervient auprès des malades. Depuis l’âge de 8 ans et durant plus de six décennies, il aura travaillé sur la plantation, d’abord comme coupeur de canne, puis comme commandeur, un poste qui devait lui donner une réputation de dur. Il était aussi craint. Dès l’âge de 18 ans, il effectue chaque année au moins une marche sur le feu. Grâce à sa connaissance de leur langue, il fréquente les derniers "pousari" venus parmi les engagés indiens, qui lui transmettent leurs connaissances pratiques sur la religion. Jean Benoist dira qu’"il est certainement l’un des rares authentiques représentants à la Réunion de la religion hindoue telle qu’elle est pratiquée dans les villages Sud-indiens." Il se rend pour la première fois au Tamil-Nadu alors qu’il est déjà âgé de 74 ans et effectue un pèlerinage dans les principaux temple et ne se sent pas du tout étranger au milieu des natifs. Depuis sa disparition, il y a déjà plus de deux décennies, "Grand-Manicon" est une référence pour tous ceux qui appris les rites tamouls auprès de lui.
L’Inde ancestrale des "pousari"
La Réunion est le seul endroit au monde où il y a eu cette cohabitation d’Indiens, qui, dans l’adversité, se sont solidarisés et ont échangé au lieu de se confronter. D’où le transfert de certains de leurs rites, qui en ont influencé d’autres... Plus près de nous, descendants de ceux venus du Tamil-Nadu, le "pays malbar", leurs coreligionnaires les dénommaient "Tonton Canou Carosse", "Ti-Francis" ou encore "Grand-Manicon". C’était dans la région de Saint-Paul. Ils y étaient connus et renommés en tant que "pousari", jusque dans les années 1970. Considérés comme passeurs d’une époque révolue, grâce à qui les malbars de générations récentes pouvaient encore ressentir une certaine proximité avec l’Inde ancestrale, ces "pousari" détenaient leur savoir, foi et rites, de leurs parents, qui eux-mêmes le détenaient de... Leur grande préoccupation, c’était de perpétuer fidèlement l’héritage de leurs ancêtres émigrés plus d’un siècle auparavant (à savoir, une culture indienne profondément spiritualiste). Des ancêtres esclaves ou engagés qui ont gravé leurs témoignages dans l’histoire de l’île où ils ont un jour débarqué pour souvent ne plus pouvoir en repartir. De nos jours, leurs descendants disposent d’une littérature orale transmise principalement par leurs pratiques cultuelles. Elle constitue un patrimoine culturel et linguistique témoin de l’histoire interne de ces originaires du "pays malbar" à l’extérieur de leur "mother India". Cette culture tamoule se perpétue. Ainsi, la langue, par le biais de la tradition orale, au moment des cultes, à travers des chants rituels et autres bal tamoul. Bref, les immigrants du Tamil-Nadu ont peu à peu forgé une expression littéraire conforme à leurs conditions de vie constamment réadaptée. Leur tradition littéraire est devenue tradition orale. Leur travail était rude. Ils puisaient dans leur foi les forces nécessaires pour faire face au fouet des commandeurs. Leur culte était sous contrôle, tout juste toléré, parfois seulement. Même si la pratique religieuse hindouiste était négociée dans les contrats d’engagement. Ils ont néanmoins réussi à les transmettre, — question de foi, justement ! Les traditions de la malbarité tirent leur origine dans l’apport de ces migrants. Et leurs métamorphoses, dont la langue maternelle était le tamoul, au contact des apports d’autres composantes de la société créole réunionnaise. Il faut de plus savoir que ces migrants étaient déjà issus d’aires géographiques et aussi linguistiques variées et que le créole s’est dès lors imposé comme vecteur linguistique, langue créole qu’ils ont influencée, notamment aux points de vue vocabulaire et syntaxe. Et ce, dès leur débarquement sur le sol de l’île pour le lazaret ! Aujourd’hui, le tamoul reste confiné au sacré et perdure grâce aux rituels transmis par les "pousari". Néanmoins, même dans le contexte de la religion, cet usage se perd, au profit du sanskrit, au point où sa disparition semble annoncée. Heureusement, des fils tentent de réconcilier leurs compatriotes avec les littératures orales et écrites autrefois usitées dans les “koïlou". Notre témoin Sully Santa Govindin est ainsi l’auteur de travaux autour des réalités culturelles et historiques réunionnaises, qui ont trait à ses compatriotes originaires du "pays malbar", d’où sa notion de "malbarité", un concept qu’il emploie pour évoquer ses racines et traditions, qu’il considère comme une réalité contemporaine qui évolue et joue un rôle créatif dans la culture réunionnaise.
La vision de l’avenir malbar
Sully Santa Govindin, qui oeuvre pour la confrontation des idées et le revendique et pour qui les malbars doivent avoir une vision de leur avenir lointain et pouvoir continuer de se mêler à la culture réunionnaise, vient de publier un ouvrage élaboré durant dix ans ("Son oeuvre est marquée par la patience et l’acceptation de remettre en cause son manuscrit pour trouver une relative perfection", dit son éditeur), en s’appuyant sur l’enseignement reçu et en revisitant l’héritage reçu. Le titre "Grand-Manicon et autres textes" qu’il a adopté montre un regard excentré par rapport à la Réunion sur le monde indien, les liens entre les engagés indiens et la Réunion, leur héritage des villages de leurs ancêtres et la société actuelle. "Grand-Manicon et autres textes" offre un aperçu de la littérature des mondes indiens. Un florilège qui comprend une douzaine de textes en édition bilingue (la traduction en français constituant une originalité nouvelle), qui montre l’importance donnée aux langues indiennes (indo-aryen à travers le sanskrit, l’hindi, le dravidien, le tamoul médiéval tardif et le tamoul contemporain), et privilégie plusieurs modes d’expression. Le profusion du champ littéraire s’articule dans cette anthologie thématique autour de trois paires de thèmes : sacré et profane, hiérarchies et tensions, fiction et humanisme. Parlant du contexte historique du peuplement réunionnais, Sully Santa Govindin se souvient de la confrontation entre deux courants d’hindouisme : l’orthodoxie brahmane et la religion populaire véhiculée par les travailleurs indiens. Ce "ralé-poussé" a retenu l’attention d’un journaliste tamoul qui effectuait un périple dans les Mascareignes au début des années 1970 : il a rencontré "Grand-Manicon" et sa relation est parue en 1974 dans une revue tamoule bien connue. Le texte "Grand-Manicon" de Govindin est une sélection de la partie de l’article ayant trait au "pousari". Il résume : la société réunionnaise appartient à un type de société dite créole, issue d’une colonie dépendante d’une métropole européenne qui a déplacé pour les besoins d’une économie insulaire en péril une main d’oeuvre asiatique dont indienne originaire du "pays malbar". Ces migrants indiens, esclaves puis engagés, des "Malbars", sont arrivés dans l’île avec leur histoire, leur culture, leur langue qui a influencé et aussi subi des influences. Aujourd’hui, leurs descendants assument leur fusion indo-indien et indo-créole, leur malbarité voire leur réunionnité. La visée du livre de Sully Santa Govindin est de dire qu’il ne faut pas être extrémiste, que l’usage du sanskrit n’est pas confiné aux mantras et récits et chants sacrés, n’est pas figé, mais une ouverture, et que la littérature est là pour libérer les esprits. Certes, il contient de l’idéologie, mais au sens noble. Il renferme surtout une bibliographie très utile, avec nombreuses références avisées, inédites souvent, bien agencée, dont un recensement inédit de textes sur le bal tamoul. En fait, un outil pédagogique, avec un index intéressant, une chronologie littéraire qui resitue le contexte historique.
Un “pousari” plein d’autorité
Pierre Mounichy dit "Grand-Manicon" naît sur une grande plantation saint-pauloise, où trimaient ses parents, dans une case proche de l’usine. Ce sont ses grands-parents maternels, végétariens et vishnouistes émigrés d’Inde qui l’élevent et apprennent à parler, lire et écrire le tamoul. À leurs côtés, il assiste à toutes les pratiques religieuses du voisinage, dont les cultes de Vishnou. Par contre, son père est non végétarien et shivaïste, et pratique la guérison des malades et l’exorcisme. Il hérite donc de ces deux niveaux de connaissances, qu’il devra — et saura — concilier. Jean Benoist, qui l’a bien connu, dresse le portrait du "pousari" dans un essai anthropologique sur les "sociétés créoles" : "Sa stature, sa démarche, son visage expriment la noblesse et l’autorité. (...) il suit depuis son enfance les diverses activités religieuses tamoules de la Réunion, et depuis plus de cinquante ans il en est l’un des pratiquants les plus réguliers puis l’un des leaders. Pour beaucoup de Créoles des quartiers avoisinants, il est un ’devineur’ souvent dangereux, mais aux yeux de la plupart des Indiens de classe populaire il est un prêtre compétent, capable de mener toutes les activités qu’on attend d’un prêtre, conduire la marche sur le feu, diriger les cérémonies des chapelles indiennes lors des grandes fêtes de Karli et de Marliémin, assurer les services des morts "karmadi", les mariages, les horoscopes. Et surtout, d’intervenir lorsqu’un individu est malade ou lorsqu’il a de graves ennuis. Sa réputation s’étend à pratiquement toute l’île. Elle "traverse les barrières entre les groupes ethniques et les classes sociales." En effet, "Grand-Manicon" officie dans le temple de Vishnou, lit des textes de l’hindouisme classique, pratique les cultes populaires, intervient auprès des malades. Depuis l’âge de 8 ans et durant plus de six décennies, il aura travaillé sur la plantation, d’abord comme coupeur de canne, puis comme commandeur, un poste qui devait lui donner une réputation de dur. Il était aussi craint. Dès l’âge de 18 ans, il effectue chaque année au moins une marche sur le feu. Grâce à sa connaissance de leur langue, il fréquente les derniers "pousari" venus parmi les engagés indiens, qui lui transmettent leurs connaissances pratiques sur la religion. Jean Benoist dira qu’"il est certainement l’un des rares authentiques représentants à la Réunion de la religion hindoue telle qu’elle est pratiquée dans les villages Sud-indiens." Il se rend pour la première fois au Tamil-Nadu alors qu’il est déjà âgé de 74 ans et effectue un pèlerinage dans les principaux temple et ne se sent pas du tout étranger au milieu des natifs. Depuis sa disparition, il y a déjà plus de deux décennies, "Grand-Manicon" est une référence pour tous ceux qui appris les rites tamouls auprès de lui.