Rennes, Laval, Tétouan, Goa, Mumbai. La carrière d’Hugo Boumous, de sa Bretagne natale à l’Inde en passant par le Maroc, le pays de son père, est un voyage et un cheminement. Plus jeune, ce « numéro 8 ou numéro 10 un peu à l’ancienne » a joué avec Wesley Saïd et Séga Coulibaly à Rennes, puis Serhou Guirassy et Nordi Mukiele à Laval. Des ex-coéquipiers qui portent aujourd’hui les couleurs de Toulouse, Nancy, du Stade Rennais et du RB Leipzig.
Sa trajectoire à lui est donc une vaste question, aussi : à quoi tient un parcours dans le monde professionnel ? À « quelques petites erreurs de jeunesse », peut-être, qui lui ont barré la voie vers le haut niveau à Laval, où il aura disputé un match et marqué un but en Ligue 2 à 19 ans (le 22 mai 2015, contre Niort, 3-0), après avoir été capitaine des U17 puis des U19. À des choix, également, comme celui de rejoindre l’Inde en 2018, plutôt que « la D1 roumaine ou un club de National », après une parenthèse marocaine marquée par des « problèmes de salaire » et une « perte de plaisir sur le terrain ».
« Ce départ, c’était un peu ’’rendez-vous en terre inconnue’’ »
« Ce départ, c’était un peu ’’rendez-vous en terre inconnue’’ », se souvient Boumous qui, à 25 ans, « ne regrette pas du tout cette décision ». Le joueur et l’homme ont grandi, dans cette Indian Super League (ISL) créée en 2014 et alors boostée médiatiquement par le recrutement de stars en fin de carrière (Nicolas Anelka, Robert Pirès, David Trezequet, Alessandro Del Piero…). « Mais aujourd’hui, la stratégie est différente, explique-t-il. Les étrangers qui viennent ici ont plutôt autour de la trentaine. Ce sont des joueurs avec des CV solides, issus du Championship (D2 anglaise) ou de D2 espagnole par exemple. Pour ce qui est des Indiens, de jeunes talents émergent mais certains restent encore moyens. »
Robert Pirès avait 40 ans, et restait sur trois saisons sans jouer, depuis la fin de sa courte aventure à Aston Villa (2010-2011), lorsqu’il a rejoint le FC Goa, fin 2014. Il garde le souvenir enthousiaste d’un « voyage extraordinaire sur l’aspect humain », de « joueurs indiens qui voulaient apprendre, progresser et (lui) posaient plein de questions sur Arsenal, l’équipe de France », de « stades pratiquement pleins à chaque match ». Dans les colonnes du Parisien, le champion du monde 1998 avait révélé avoir touché « 594 000 euros pour la durée de la compétition (qui, à l’époque, s’étalait sur à peine deux mois) », « un montant fixé par le club et la ligue ».
« Les gens ne pensent qu’à ça quand on parle de l’Inde, regrette aujourd’hui Pirès. Oui, on (lui et les autres grands joueurs passés par l’ISL) a gagné de l’argent. Mais au-delà de ça, j’ai rejoué au foot. On a joué à Chennai et les gens venaient juste pour moi, parce qu’il y avait des fans d’Arsenal. Un truc de fou. Grâce au football, on permet à des gens de rêver. Le jour où on a joué la demi-finale des playoffs contre Calcutta, chez nous, vous n’imaginez même pas le temps qu’on a mis pour accéder aux vestiaires. Il n’y avait pas de sécurité, les Indiens n’étaient pas habitués. On s’est changés et échauffés hyper vite. C’était incroyable. Je me suis régalé. »
Le plus gros transfert de l’histoire du championnat
Les temps ont donc changé au pays du cricket, où « le football se développe énormément », dixit Boumous : le championnat, qui regroupe onze équipes, s’est étiré dans le temps (de novembre à mars cette saison, en raison de la pandémie de Covid-19), le nombre de joueurs étrangers est limité par des quotas (sept par effectif et cinq sur la pelouse maximum) et les salaires sont moins élevés, même s’ils restent attractifs pour les têtes d’affiche. C’est dans ce contexte que le Franco-Marocain a empilé les succès. Il y a eu deux saisons à Goa (2018-2020), le trophée de meilleur joueur de la saison passée et un titre de champion (*) arraché au bout du suspense contre l’ATK Mohun Bagan (2-1), le 13 mars, avec sa nouvelle équipe, le Mumbai City FC. Pour attirer le Rennais, en octobre 2020, le club de la capitale économique de l’Inde avait dû débourser 200 000 dollars (environ 170 000 euros). Un record au sein de l’ISL, dont il était le plus jeune joueur étranger la saison passée.
À Mumbai, une équipe qui appartient au City Football Group, la holding émiratie propriétaire de Manchester City, Boumous a retrouvé l’Espagnol Sergio Lobera, ancien entraîneur de la Masia, le centre de formation du FC Barcelone. « Je l’ai connu au Maroc et c’est lui qui m’a proposé de venir à Goa, puis de le suivre à Mumbai », raconte le Breton. L’ancien coach de Sergio Busquets et Cesc Fabregas, qui avait en 2012 été fortement pressenti pour devenir l’adjoint de Tito Vilanova sur le banc du Barça, résume l’affaire : « Hugo est un joueur techniquement très bon, capable de faire des différences dans les un-contre-un, de délivrer des passes décisives et de marquer. Il est polyvalent, ce qui est important pour un entraîneur, et a tout pour réussir en termes de football. Mais il doit encore apprendre beaucoup de choses. »
« Ses performances (trois buts et sept passes décisives en seize matches cette saison) à travers le temps parlent d’elles-mêmes, constate Amrinder Singh, le gardien international indien et capitaine de Mumbai. J’ai joué contre lui dans le passé et évidemment, avoir un tel joueur de ton côté est un grand avantage. Il rend les autres autour de lui meilleurs et possède une grande influence sur l’équipe. »
À plus de 7 000 km de Rennes, sa ville de naissance, Boumous peut « joindre l’utile à l’agréable », autrement dit « profiter de conditions salariales avantageuses », et continuer à « viser le plus haut possible dans le foot en travaillant comme un fou ». « Assoiffé de découvertes et d’exploration », « passionné de voyages, de géopolitique, d’histoire et de géographie », il a découvert un « pays grandiose à tous les niveaux : par sa taille, la diversité de sa culture, ses magnifiques paysages, la gentillesse de ses habitants ». Il a vu de près « la pauvreté, la surpopulation, les problèmes d’infrastructures, encore plus criants avec la pandémie de Covid-19 ».
Un avenir dans une autre club « satellite » de Manchester City ?
Le Rennais parle de tout ça comme d’une « expérience qui (lui) servira toute (sa) vie » et reste scotché par ces « fans qui sont fous amoureux de leurs joueurs, toujours à 1 000 % derrière eux, même quand ça perd ». « Dernièrement, j’étais au restaurant avec des amis et un supporter a voulu payer l’addition en secret », s’amuse le milieu de terrain, qui maîtrise quatre langues (français, espagnol, anglais, arabe).
La suite s’écrira sûrement ailleurs, alors qu’il est sous contrat à Mumbai jusqu’en 2022. Il cite des « opportunités dans d’autres championnats asiatiques ou en Ligue 2 » et évoque du bout des lèvres « le rêve de jouer un jour à Rennes, là où (il a) commencé ». « Il a faim et il a soif, insiste Jihed Taniche, son agent, qui gère aussi, notamment, les intérêts du Lyonnais Tino Kadewere. Quand il voit où en sont ses anciens collègues comme Guirassy (au Stade Rennais)… Aujourd’hui, Hugo est un autre homme, prêt à rattraper le temps perdu. Des joueurs sont partis en Inde et sont venus en Europe ensuite. L’un des exemples les plus connus, c’est (l’attaquant colombien) Stiven Mendoza, qui a joué à Chennai et a signé à Amiens. »
Le représentant de Boumous souligne l’intérêt d’être dans un club appartenant à la « galaxie Manchester City » : « L’idée est d’évoluer à l’intérieur de ce groupe, qui possède des clubs en Asie (Yokohama, Sichuan Jiuniu, Mumbai), aux États-Unis (New York), en Australie (Melbourne), en Uruguay (Montevideo), et même en France désormais (Troyes)… Les discussions vont bientôt commencer. »
« Il n’est pas trop tard », martèle Boumous. Aime-t-il sa carrière ? Le Rennais réfléchit quelques instants et répond : « J’ai quelques regrets, sachant le potentiel que j’avais et que j’ai encore aujourd’hui. Mais je suis fier dans le sens où je n’ai jamais rien lâché malgré les obstacles. Je suis tombé, je me suis relevé. J’ai suivi mon destin. »
Sa trajectoire à lui est donc une vaste question, aussi : à quoi tient un parcours dans le monde professionnel ? À « quelques petites erreurs de jeunesse », peut-être, qui lui ont barré la voie vers le haut niveau à Laval, où il aura disputé un match et marqué un but en Ligue 2 à 19 ans (le 22 mai 2015, contre Niort, 3-0), après avoir été capitaine des U17 puis des U19. À des choix, également, comme celui de rejoindre l’Inde en 2018, plutôt que « la D1 roumaine ou un club de National », après une parenthèse marocaine marquée par des « problèmes de salaire » et une « perte de plaisir sur le terrain ».
« Ce départ, c’était un peu ’’rendez-vous en terre inconnue’’ »
« Ce départ, c’était un peu ’’rendez-vous en terre inconnue’’ », se souvient Boumous qui, à 25 ans, « ne regrette pas du tout cette décision ». Le joueur et l’homme ont grandi, dans cette Indian Super League (ISL) créée en 2014 et alors boostée médiatiquement par le recrutement de stars en fin de carrière (Nicolas Anelka, Robert Pirès, David Trezequet, Alessandro Del Piero…). « Mais aujourd’hui, la stratégie est différente, explique-t-il. Les étrangers qui viennent ici ont plutôt autour de la trentaine. Ce sont des joueurs avec des CV solides, issus du Championship (D2 anglaise) ou de D2 espagnole par exemple. Pour ce qui est des Indiens, de jeunes talents émergent mais certains restent encore moyens. »
Robert Pirès avait 40 ans, et restait sur trois saisons sans jouer, depuis la fin de sa courte aventure à Aston Villa (2010-2011), lorsqu’il a rejoint le FC Goa, fin 2014. Il garde le souvenir enthousiaste d’un « voyage extraordinaire sur l’aspect humain », de « joueurs indiens qui voulaient apprendre, progresser et (lui) posaient plein de questions sur Arsenal, l’équipe de France », de « stades pratiquement pleins à chaque match ». Dans les colonnes du Parisien, le champion du monde 1998 avait révélé avoir touché « 594 000 euros pour la durée de la compétition (qui, à l’époque, s’étalait sur à peine deux mois) », « un montant fixé par le club et la ligue ».
« Les gens ne pensent qu’à ça quand on parle de l’Inde, regrette aujourd’hui Pirès. Oui, on (lui et les autres grands joueurs passés par l’ISL) a gagné de l’argent. Mais au-delà de ça, j’ai rejoué au foot. On a joué à Chennai et les gens venaient juste pour moi, parce qu’il y avait des fans d’Arsenal. Un truc de fou. Grâce au football, on permet à des gens de rêver. Le jour où on a joué la demi-finale des playoffs contre Calcutta, chez nous, vous n’imaginez même pas le temps qu’on a mis pour accéder aux vestiaires. Il n’y avait pas de sécurité, les Indiens n’étaient pas habitués. On s’est changés et échauffés hyper vite. C’était incroyable. Je me suis régalé. »
Le plus gros transfert de l’histoire du championnat
Les temps ont donc changé au pays du cricket, où « le football se développe énormément », dixit Boumous : le championnat, qui regroupe onze équipes, s’est étiré dans le temps (de novembre à mars cette saison, en raison de la pandémie de Covid-19), le nombre de joueurs étrangers est limité par des quotas (sept par effectif et cinq sur la pelouse maximum) et les salaires sont moins élevés, même s’ils restent attractifs pour les têtes d’affiche. C’est dans ce contexte que le Franco-Marocain a empilé les succès. Il y a eu deux saisons à Goa (2018-2020), le trophée de meilleur joueur de la saison passée et un titre de champion (*) arraché au bout du suspense contre l’ATK Mohun Bagan (2-1), le 13 mars, avec sa nouvelle équipe, le Mumbai City FC. Pour attirer le Rennais, en octobre 2020, le club de la capitale économique de l’Inde avait dû débourser 200 000 dollars (environ 170 000 euros). Un record au sein de l’ISL, dont il était le plus jeune joueur étranger la saison passée.
À Mumbai, une équipe qui appartient au City Football Group, la holding émiratie propriétaire de Manchester City, Boumous a retrouvé l’Espagnol Sergio Lobera, ancien entraîneur de la Masia, le centre de formation du FC Barcelone. « Je l’ai connu au Maroc et c’est lui qui m’a proposé de venir à Goa, puis de le suivre à Mumbai », raconte le Breton. L’ancien coach de Sergio Busquets et Cesc Fabregas, qui avait en 2012 été fortement pressenti pour devenir l’adjoint de Tito Vilanova sur le banc du Barça, résume l’affaire : « Hugo est un joueur techniquement très bon, capable de faire des différences dans les un-contre-un, de délivrer des passes décisives et de marquer. Il est polyvalent, ce qui est important pour un entraîneur, et a tout pour réussir en termes de football. Mais il doit encore apprendre beaucoup de choses. »
« Ses performances (trois buts et sept passes décisives en seize matches cette saison) à travers le temps parlent d’elles-mêmes, constate Amrinder Singh, le gardien international indien et capitaine de Mumbai. J’ai joué contre lui dans le passé et évidemment, avoir un tel joueur de ton côté est un grand avantage. Il rend les autres autour de lui meilleurs et possède une grande influence sur l’équipe. »
À plus de 7 000 km de Rennes, sa ville de naissance, Boumous peut « joindre l’utile à l’agréable », autrement dit « profiter de conditions salariales avantageuses », et continuer à « viser le plus haut possible dans le foot en travaillant comme un fou ». « Assoiffé de découvertes et d’exploration », « passionné de voyages, de géopolitique, d’histoire et de géographie », il a découvert un « pays grandiose à tous les niveaux : par sa taille, la diversité de sa culture, ses magnifiques paysages, la gentillesse de ses habitants ». Il a vu de près « la pauvreté, la surpopulation, les problèmes d’infrastructures, encore plus criants avec la pandémie de Covid-19 ».
Un avenir dans une autre club « satellite » de Manchester City ?
Le Rennais parle de tout ça comme d’une « expérience qui (lui) servira toute (sa) vie » et reste scotché par ces « fans qui sont fous amoureux de leurs joueurs, toujours à 1 000 % derrière eux, même quand ça perd ». « Dernièrement, j’étais au restaurant avec des amis et un supporter a voulu payer l’addition en secret », s’amuse le milieu de terrain, qui maîtrise quatre langues (français, espagnol, anglais, arabe).
La suite s’écrira sûrement ailleurs, alors qu’il est sous contrat à Mumbai jusqu’en 2022. Il cite des « opportunités dans d’autres championnats asiatiques ou en Ligue 2 » et évoque du bout des lèvres « le rêve de jouer un jour à Rennes, là où (il a) commencé ». « Il a faim et il a soif, insiste Jihed Taniche, son agent, qui gère aussi, notamment, les intérêts du Lyonnais Tino Kadewere. Quand il voit où en sont ses anciens collègues comme Guirassy (au Stade Rennais)… Aujourd’hui, Hugo est un autre homme, prêt à rattraper le temps perdu. Des joueurs sont partis en Inde et sont venus en Europe ensuite. L’un des exemples les plus connus, c’est (l’attaquant colombien) Stiven Mendoza, qui a joué à Chennai et a signé à Amiens. »
Le représentant de Boumous souligne l’intérêt d’être dans un club appartenant à la « galaxie Manchester City » : « L’idée est d’évoluer à l’intérieur de ce groupe, qui possède des clubs en Asie (Yokohama, Sichuan Jiuniu, Mumbai), aux États-Unis (New York), en Australie (Melbourne), en Uruguay (Montevideo), et même en France désormais (Troyes)… Les discussions vont bientôt commencer. »
« Il n’est pas trop tard », martèle Boumous. Aime-t-il sa carrière ? Le Rennais réfléchit quelques instants et répond : « J’ai quelques regrets, sachant le potentiel que j’avais et que j’ai encore aujourd’hui. Mais je suis fier dans le sens où je n’ai jamais rien lâché malgré les obstacles. Je suis tombé, je me suis relevé. J’ai suivi mon destin. »